Festival. Slam, chanson, théâtre, littérature... dialoguent aux Bouffes du Nord, à Paris, jusqu'au 8 mai.
Jazz nomades prend la parole
Par Dominique QUEILLE
QUOTIDIEN : samedi 5 mai 2007
Festival Jazz Nomades. La voix est libre. Théâtre des Bouffes du Nord, 37 bis, bd de la Chapelle, 75010. Les 5, 7 & 8 mai à 20 h 30. 20/14 €, pass 3 soirs : 45/33 €. Rens. : 01 46 07 34 50 ou www.jazznomades.net
Au beau milieu du festival, il y a le 6 mai. Et ça n'est pas un hasard. Ainsi l'a voulu le jeune directeur de Jazz Nomades qui, deux ans après un premier acte entre jazz et oralité, au théâtre des Bouffes du Nord, sonne une nouvelle charge engagée en plein second tour de l'élection présidentielle.
Plébiscitée par le public et les médias, la manifestation a réussi en seulement trois éditions (les deux premières, au Lavoir moderne parisien, étaient parrainées par Joëlle Léandre) à acquérir reconnaissance et crédibilité, notamment grâce à ses découvertes reprises dans différents festivals de l'Hexagone (Banlieues bleues, Jazz à la Villette ou Ecouter voir à Lyon).
Pour cet exercice 2007, toujours sous-titré «La voix est libre», Blaise Merlin articule sur trois soirées créations et rencontres inédites. Parole et improvisation auront pieds et poings déliés, puisque autour du jazz voletteront d'autres expressions, telles que le maloya, le slam, la chanson, la littérature ou le théâtre. «Organiser un festival, c'est avant tout se demander ce qu'il est possible d'imaginer par rapport au monde dans lequel on vit et poser la question de la place de la musique dans la cité. Et plus on met du sens, plus le public jubile», explique Blaise Merlin.
De fait, Jazz Nomades est le seul festival parisien du genre à défendre des expressions émergentes de qualité dans un cadre prestigieux où dialoguent têtes d'affiche et jeunes talents, pour la plupart découverts au cours des sept années de programmation alternative (Olympic café/LMP, Point éphémère) de ce jeune passionné. « Quand les musiciens prennent le pouvoir, dit-il, c'est pour mieux nous en libérer.»
Hors frontières. Samedi, plus que d'actualité avec l'identité nationale au coeur du débat, le Martiniquais Edouard Glissant, chantre de la créolisation, ouvrira la soirée de manière symbolique. Suivront les échanges entre la tradition ancestrale du maloya de la Réunionnaise Nathalie Natiembé, sorte de Miriam Makeba des temps modernes, la musique improvisée de Denis Charolles et le jazz de David Murray, saxophoniste afro-américain. Enfin, on retrouvera la création déjà présentée à Africolor, Michto Maloya, où Danyel Waro éternel défenseur du maloya de son île natale et les guitares gitanes de Titi Robin poussent l'imaginaire hors frontières.
Lundi, à «l'heure des contes», sept plateaux slam en duo redonneront un souffle oral pour verbaliser ce fameux lendemain avec, hors star system, les retrouvailles de Grand Corps Malade et Fantazio, comme à l'époque des squatts, les textes du Marseillais Fred Nevchehirlian avec Serge Teyssot-Gay (guitariste de Noir Désir) ou André Minvielle, pour virer jazz, rap, musette et occitan. La fin de soirée ne s'annonce pas mal non plus avec, en trio, le batteur chicagoan, Chad Taylor, le New-Yorkais réputé pour son free-blues anti-Bush, Cooper Moore avec son armada instrumentale fabriquée de toutes pièces, et le sax d'origine israélienne, Assif Tsahar, au phrasé aylerien.
«Hors chant». Dernière étape mardi «Hors chant», enregistrée par France Musique, avec un quartet 100 % improvisé où Bernard Lubat, Médéric Collignon, agité du vocal avec cornet de poche, Benat Achiary, chaleureux chanteur basque, et Ramon Lopez, aux baguettes, débattront sans entraves.
Hors cadres, on terminera par un abracadabrantesque Cabaret des musiques à ouïr, sans Brigitte Fontaine cette fois, mais avec le formidable Loïc Lantoine, l'Anglaise Maggie Nichols et Wasabé, danseur japonais et crooner. Un mois avant le coup d'envoi, Merlin apprenait que des subventions promises étaient coupées de moitié. Aux urnes, etc.