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 la nuit noire

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konsstrukt




Nombre de messages : 126
Date d'inscription : 08/02/2008

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MessageSujet: la nuit noire   la nuit noire Icon_minitimeLun 3 Nov - 14:56

1 : 33

Mes plus vieux souvenirs sont des odeurs d’aisselles et d’autres parties de mon corps. J’adorais ça. J’ignore quel âge j’avais à l’époque mais j’étais jeune, c’était avant que j’aille à l’école. Je restais des heures dans un carton à écouter mon père et ma mère picoler et discuter de façon de plus en plus incohérente. J’aimais ce carton, je m’y sentais chez moi. J’y restais des journées entières.
Je frottais mes doigts contre mes aisselles et je les reniflais, je passais la main entre mes couilles et mes cuisses et je les humais. J’ai continué à faire ça une fois adulte. Le parfum de ma sueur m’a toujours fasciné. Et toutes mes autres odeurs corporelles aussi. Je suçais mon doigt le matin avant de me lever et j’y respirais la trace aigre que ma salive avait laissée dessus. J’enfonçais mon doigt dans mon trou du cul, plus ou moins profondément selon que je désirais une odeur plus douce ou plus acre, et je le flairais. Mes parents n’ont jamais rien su de tout ça. Je restais plusieurs minutes enfermé dans mon carton à renifler mon doigt imprégné de merde et de sueur sans penser à rien d’autre. Je n’entendais même plus leurs conversations.
Très tôt j’ai respiré ma merde. Quand je chiais, avant d’appeler ma mère pour m’essuyer, et puis plus tard quand j’ai su me torcher tout seul, avant de tirer la chasse, je me penchais dans la cuvette pour renifler ou bien j’en écrasais une noisette au bout du doigt. Chaque jour elle avait une odeur différente et pourtant je la reconnaissais tout le temps. C’était ma merde. Rien qu’à moi. Quand j’allais aux toilettes pour sentir la merde de ma mère ou de mon père juste après qu’ils soient sortis ça n’était pas pareil. Ca ne me plaisait pas. Seules mes propres odeurs qui m’attiraient. Une fois j’ai goûté mes excréments mais ça m’a dégoûté, je n’ai pas recommencé. J’avais sûrement six ans puisque mon père était encore en vie.

2 : 32

Enfant j’avais un fantasme qui m’a duré des années, jusqu’à ma renaissance, jusqu’à ce que je m’isole et que je quitte la société des hommes. Je l’appelais le fantasme de l’homme dehors, qui approche avec sa hache et qui vient me chercher. Pour me tuer.
La nuit, dans mon lit, juste avant de m’endormir, quand j’étais allongé sur le côté, il arrivait que mon oreille soit repliée sur elle-même et alors j’entendais le battement de mon cœur pulser là, à l’intérieur du pavillon clos, et produire un son granuleux qui rappelait les pas de quelqu’un marchant avec des bottes sur un sol de terre sèche ou de graviers. Ca arrivait juste avant que je m’endorme et à chaque fois je vivais la même scène. L’homme à la hache venait pour moi. D’abord il tuait mon père, puis ma mère, enfin moi. Il défonçait la porte à coups de pieds et de hache, mon père entendait ça et se précipitait, il mourrait le premier puis les coups de haches de l’homme en noir qui pénétrait dans l’appartement faisaient taire ma même qui hurlait d’impuissance à la vue du massacre. Ensuite il me trouvait, j’étais calme. J’attendais ce moment depuis longtemps, c’était quelque chose de normal, je n’avais pas peur, je ne me débattrais pas. L’homme se tenait enfin devant moi. Je savais qu’à force d’approcher et approcher en rêve chaque nuit un soir il serait vraiment là ; il serait grand, barbu, avec un manteau noir couvert de sang et sa hache goutterait sur le sol. Il me sourirait, ses yeux seraient noirs et magnétiques, il lèverait sa hache lentement, j’essaierais de ne pas fermer les yeux mais je n’y parviendrais pas, sa hache me fendrait la poitrine, j’entendrais l’os craquer, je sentirais couler sur mon pyjama le sang chaud, ça serait fini.
C’est un de mes plus doux souvenirs d’enfance. Ce moment, juste avant de m’endormir, où je prends la bonne position et où j’écoute les pas de l’homme qui approche, calme, inexorable.

3 : 31

La première chose morte que j’ai vu c’est une mouche. Je n’allais pas encore à l’école. Mes parents et moi habitions un appartement en ville et je n’en sortais presque jamais. Ma mère était effrayée à l’idée que j’aille dehors. Ce jour-là elle faisait le ménage et mon père était à son travail. Par la fenêtre j’observais les gens en bas. Il y avait des mouches qui circulaient au plafond et se posaient parfois sur la vitre. Ma mère en a tué une juste devant moi d’un coup de torchon. La mouche a laissé une trace rouge sur le verre, s’est décollée, est tombée par terre. Ma mère l’a ramassée et jetée dans un cendrier. J’étais fasciné. J’avais vu voler cette mouche et je l’avais vu mourir. Je l’ai récupérée après que ma mère soit passée dans une autre pièce. Je suis allé dans mon carton. Je l’ai observée pendant un long moment puis je l’ai écrasée entre mes doigts. Je me souviens de la sensation exacte, l’abdomen transformé en purée jaunâtre et humide contre ma peau, le reste du corps écrabouillé aussi mais plus solide. Ca m’a soulevé le cœur. Cette sensation était bonne, comme si ce haut-le-cœur dissimulait quelque chose de supérieur. Une conscience plus grande. Bien sûr à ce moment-là je n’avais pas du tout identifié cela. J’étais un enfant, j’avais juste éprouvé une sensation d’écœurement qui faisait du bien. J’ai ressenti du trouble et de la confusion. J’ai terminé d’écraser la mouche entre mes doigts. Il n’en est resté que de la pulpe. Le trouble s’est dissipé mais il a marqué mon esprit. J’ai quitté mon carton. Toute la journée et toute la nuit j’ai repensé à ça. Pour moi, à l’époque, ça ressemblait à un secret, quelque chose connu de moi seul et que j’avais trouvé par hasard, quelque chose d’important. C’est ce jour-là je crois que ma vie a complètement changé. Toute la suite s’est déterminée dans cet instant où j’ai tout compris sans rien pouvoir formuler.

***

pour lire la suite, cliquer ici :
http://www.leoscheer.com/spip.php?page=manuscrit-konsstrukt-la-nuit-noire

tous commentaires/insultes/propositions diverses sont bienvenues.

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